vendredi 27 décembre 2019

Factorio


Préambule

Avec quelques amis, nous avons un chat commun sur Hangouts depuis plusieurs années, et au travers d'un message banal, l'un d'eux (/wink Wilco) demandait innocemment si quelqu'un du groupe connaissait un jeu nommé Factorio, avec explication succincte qu'un "pote geek le lui avait indiqué comme jeu de geek, construction, gestion d'usines, etc.".
Il n'en fallut pas plus pour attiser ma flamme de Minecrafteur, j'ai téléchargé la démo et j'ai été séduit; très séduit.

Factorio est un jeu développé depuis 2012 par un petit studio indépendant tchèque, Wube Software. Il  a été crowdfundé avec grand succès en 2013, est en early access depuis 2016, et au moment où j'écris ceci, est toujours officiellement en phase de développement (version 0.17.79).  Il a été annoncé que la version "release" officielle se ferait le 25/9/2020.

Le jeu est entièrement jouable, est d'une robustesse incroyable, je n'ai pas rencontré le moindre bug. Sans rire, il est plus stable que bien d'autres produits prétendument "finis", on ne peut que souligner le travail incroyable de cette équipe pragoise.


Le pitch

Le scénario du jeu est assez simple : vous êtes un ingénieur dont le vaisseau spatial s'écrase sur une planète, qui fort heureusement est respirable et comporte des ressources similaires à la terre.  Il faudra exploiter ces ressources pour, en bout de compte, vous construire une fusée et vous échapper de là.

Dans les faits, après la construction de la fusée vous n'en serez qu'à moins de la moitié du jeu et pourrez continuer celui-ci pour davantage d'exploitation, d'automatisation et de production.  L'histoire de la fusée ne semble qu'être un prétexte de but à atteindre pour un jeu qui, somme toute, est extrêmement sandbox et sans véritable fin.


Comment cela fonctionne-t-il ?

Apparemment inspiré des mods BuildCraft et IndustrialCraft de Minecraft, le principe est donc déjà connu : récolter des ressources, transformer ces ressources tout d'abord à la main, et puis via des processus d'automatisation, créer de nouvelles pièces, upgrader le matériel demandant de nouvelles ressources, etc.

En cas pratique, cela donne : votre personnage trouve des gisements de pierre, de charbon, de minerai de fer et de cuivre. Il récolte la pierre, fabrique un four. Il alimente le four avec le charbon, fond le fer et le cuivre et en fait des plaques. Les plaques de cuivre sont transformées en fils de cuivre, celles de fer en rouages, et les fils et les rouages permettent de fabriquer des bras mécaniques.  Les bras mécaniques permettent ensuite de prendre et déposer les ressources sur une transport belt, etc.


Le principe de base : la transport belt

C'est l'élément de base du jeu : la transport belt, qui se traduirait en français par "bande transporteuse" ou "convoyeur à bande", mais que pour les besoins de simplification on appellera ici "belt".  Ce sont des bandes de transport automatiques qui ne consomment pas d'énergie, dont la première version (la moins rapide) coûte très peu de ressources, et qui permet de transporter à peu près tout dans le jeu : des unités de production jusqu'aux unités d'assemblages, et plus encore.

Les trois types de belts, les plus rapides étant plus coûteuses (image ©Factorio wiki)

Dans Factorio, tout se joue sur le placement intelligent de ces belts, qui offre des possibilités de passer l'une sous l'autre via une portion "underground", ou de se séparer/fusionner via un splitter.  Rater un minimum de planification pour le positionnement des belts expose le joueur à ce qu'on appelle dans le jargon de Factorio le "belt hell" ou "spaghettorio", dans lequel les belts s'entortillent et se croisent de manière peu optimale.

Autre élément important : les belts ont deux côtés. Un bras mécanique déposera toujours du même côté (supérieur ou éloigné) mais peut prendre des deux côtés. Cela implique une stratégie et gestion de l'espace capitale dans le jeu.

En guise d'exemple : les deux bras les plus à gauche déposent depuis la caisse attenante, de la pierre brute et du charbon sur le côté opposé de la belt, le bras de droite prend alternativement les deux ressources pour les déposer dans le four, qui brûle du charbon et cuit la pierre brute en briques, qui sont déposées sur le côté externe de la belt du dessous. 


Je l'ai appris à mes dépens: les circuits circulaires de belts sont une mauvaise idée. Ce cuivre et ce fer arrivant sur la même belt que le charbon, se bloqueront les uns les autres à un point, c'est garanti. On est beaucoup mieux avec un "bus" :)



Le système électrique

Dans les premières dizaines de minute du jeu, le charbon est la seule ressource énergétique, mais très  rapidement, il va devenir insuffisant, et l'électricité va devoir faire son entrée - vous le voyez du reste dans le screenshot ci-dessus avec les pylônes qui alimentent les bras mécaniques.

Le système est avant tout hydraulique : il faut trouver un point d'eau (ressource illimitée, fort heureusement), y installer une pompe, et connecter celle-ci à un boiler et ensuite une machine à vapeur. Par après, installer des pylônes (qui ont une "aire d'effet" dépendant de leur qualité) qui permettront à l'électricité générée d'alimenter tout le réseau.  Ah oui : et il faudra prévoir du carburant pour les boilers, essentiellement du charbon.

La pompe en haut distribue de l'eau via les tuyaux, vers toute ma base, en commençant par le boiler en bas à gauche, connecté à deux machines à vapeur en chaîne (je sais, ce n'est pas optimal !) et des pylônes électriques pour capter l'électricité ainsi produite et la distribuer sur le réseau, en commençant par le bras mécanique qui alimente le boiler en charbon.


Le jeu pousse vraiment les choses loin.  En cliquant sur un pylône vous obtenez l'info complète du réseau électrique auquel il est connecté, la consommation en watts, l'historique, etc.:

A gauche la conso, à droit la production. Oui les electric drills (outils de minage) consomment pas mal, et ils sont rattrapés par les Assembling Machines v2 et les fours électriques ! Veillez à ce que la barre de Production reste sous la barre de Satisfaction, et en vert !


Plus tard dans le jeu, il y a possibilité même d'évoluer vers l'énergie atomique via de la récolte d'uranium, mais je manque cruellement de pétrole sur ma map pour pouvoir exploiter celle-ci correctement tout en satisfaisant le reste de la production.


Le pétrole

Une ressource énergétique supplémentaire, qui est souvent considérée comme un goulot d'étranglement dans le jeu.  Il faut repérer les puits de pétrole sur la map, qui sont relativement rares avec les paramètres par défaut de la carte, et y installer des pompes, ramener le pétrole pour être traité par des raffineries, et créer ensuite du soufre, du plastique, etc.  Le plastique est absolument essentiel à la création de circuits imprimés, qui eux-mêmes sont indispensables à tout l'arbre de technologie qui suit.

Création de map avec les paramètres par défaut, et l'échelle est grande, 3 malheureux patches de "Crude Oil". ... 

Mon exploitation pétrolière : le pompes en vert à gauche, alimentées par machines à vapeur et panneaux solaires, et le train à droite qui récolte le liquide et l'amène à la base.

Un conseil : si vous comptez prolonger votre map de départ après le départ de la fusée, optez pour une map avec davantage de pétrole que la distribution par défaut.


Arbre de technologie, dites-vous ?

C'est tout le suc du jeu :  pour accéder aux ressources/assemblages/véhicules/etc. complémentaires, il faut développer la technologie suivante dans les "Labs".  On peut disposer d'autant de Labs que l'on désire, pour autant qu'ils soient alimentés d'une part en énergie bien sûr, et d'autres part en "science packs".  Les Science Packs sont représentés par des petits erlenmeyers de différentes couleurs, pour un total de 7 dans le jeu.

Les premiers sciences packs ("Automation", les rouges) demandent une plaque de cuivre et un rouage de fer, plutôt faciles à produire donc, et les avant-derniers ("Utility", les jaunes) demandent une somme d'objets à produire dont le coût en matières premières est de 64 plaques de cuivre, 7 barres d'acier, 15 barres de plastiques, des batteries, des moteurs etc. .... l'unité.

Ensuite, dans l'arbre de technologie, chaque recherche coûte un ensemble de science packs par "cycle" et nécessite un certain nombre de cycles à sa complétion. On s'apercevra vite à quel point certaines recherches sont extrêmement coûteuses en ressources.

Mes labs, alimentés par les 6 premières sortes de science packs - oui, j'aurais dû inverser le sens de la belt du dessous pour que la réserve soit dans tous les cas vers la gauche...


Mon arbre en cours, en vert ce qui est acquis, en jaune ce que je peux rechercher, en rouge les éléments auxquels il manque des prérequis. En haut à gauche la recherche en cours, à savoir le 7ème science pack ("Space", le gris) - oui, il faut les rechercher eux aussi.
A noter qu'il y a plein de sous-arbres, je n'en montre qu'un ici.



Le système ferroviaire

Dans le deuxième screenshot du paragraphe sur le pétrole ci-dessus, j'évoquais un train.  Le jeu propose une série de véhicules de transports, dont des voitures buggy, très fragiles mais assez maniables et pratiques, ainsi que le train, avec une possibilité de gestion du système ferroviaire extrêmement poussée.

On peut gérer des aiguillages, des priorités, de l'automatisation complète avec des opérateurs logiques pour conditions, c'est complètement fou.  Pour être honnête, je n'ai pas encore exploré le quart des possibilités de ce côté, et mon système est assez simple.  Quand je suis tombé sur un problème de croisements, j'ai dû me pencher sur les signaux ferroviaires, et ce ne fut pas une mince affaire.  Une fois que tout est correctement configuré, quelle satisfaction de voire tout ce système fonctionner tout seul ! Ça me rappelle ma jeune période de joueur avec un jeu comme A-Train sur lequel j'avais passé des heures !

Le train bleu, qui m'amène du minerai de fer, est en attente parce que le train rouge (qui m'amène du cuivre) est en train de décharger.

Aperçu du réseau via les signaux qui délimitent des portions dans lesquelles un seul train peut se trouver. Ça paraît un peu confus comme cela mais on s'y fait vite.

Il y a encore une pléthore de possibilités via des circuits et compagnie, que je n'ai pas encore explorées.


La pollution et les "locaux".

Bon,  toute ces machines consommant force charbon, eh bien ... elles polluent.  La pollution est une valeur qu'il faut gérer dans le jeu, surtout dans la mesure où la planète sur laquelle vous échouez est loin d'être inhabitée.

Les locaux sont des extraterrestres insectoïdes, qui ont une fâcheuse tendance à ne pas apprécier cet hôte indésirable et pollueur que vous êtes, et vous le font sentir en attaquant de manière systématique vos belles chaînes de production.

Il existe des moyens de défense bien entendu, entre les armes que le joueur peut fabriquer, les armures configurables et les tourelles de défense automatiques, les cocos vont avoir du fil à retordre avec vous.

Mais, comme toute forme de vie un brin avancée, ils évoluent.  En fonction du nombre de bases extraterrestres que vous détruisez (ce qui sera inévitable dans votre expansion) et la pollution, les aliens, au départ uniquement de faibles petits insectes n'attaquant qu'au corps à corps, deviennent de véritables monstres blindés qui peuvent projeter de l'acide à distance.

Entreprise de démolition de base alien, une petite muraille construire en bas avec tourelles de défense, un arsenal (dans le coin inférieur droit) constitué d'un lance-flamme, d'un lance-roquettes et d'un shotgun, et les bases aliens, semblables à des spawning pools zergs de StarCraft, détruites car trop près de ce généreux gisement en fer que vous apercevez sur la minimap en haut à droite - les points rouges étant d'autres bases qui dérangeront très bientôt...
Notez la masse de cadavres le long de la muraille :)


La "fin" du jeu

Je le mentionnais ci-dessus, il faudra donc maintenir une rentrée de ressources assez conséquente pour produire tous les science packs nécessaires à la recherche d'abord, puis à la fabrication du silo à fusée et de la fusée elle-même.


Le lancement de la fusée, emblématique de Factorio !

L'écran final du jeu, ce sera la seule indication que vous avez atteint l'objectif initial. Avec ici les statistiques,  l'option de continuer le jeu et évidemment les inévitables achievements - notez que je n'ai même pas abordé les lasers ni les logistic networks, en 50 heures de jeu, et ce n'était pas voulu !


On peut équiper la fusée d'un satellite (coûteux lui aussi) pour produire des space science packs, et ainsi continuer l'évolution des ressources vers une exploitation totalement automatique et protégée de la base, sans autre véritable fin de jeu à ce moment,  donc.


Et les enfants là-dedans ? 

Factorio est un peu difficile d'accès à un jeune public. Graphiquement déjà, il n'est pas très joyeux (ceci dit les gosses accrochent bien à Minecraft...). Il demande une certaine tournure d'esprit que je ne vois pas avant l'adolescence, et encore je ne suis pas sûr qu'ils accrocheraient beaucoup.  A tester, en tout cas la mienne de 9 ans maintenant, est peu ou pas intéressée, à l'inverse de nombreux autres jeux (un article que je dois d'ailleurs rédiger depuis un moment).

Je le conseillerais cependant aux jeunes gens un peu geeks et/ou maniaques, ce côté jusqu'au-boutiste et perfectionniste qu'il comporte, doit avoir un côté satisfaisant pour certains caractères.


En conclusion

Les commentaires sur le Steam Store sont assez clairs, et je le confirme : Factorio est addictif.  On parle ici de ce fameux "allez juste encore un truc", que l'on se dit à 22h et puis de "trucs" en "trucs" les oiseaux se mettent à chanter dehors; ah oui il est 5h du matin !

Le jeu propose une option multijoueurs que je n'ai absolument pas explorée, aussi je le qualifierais d'excellent jeu solo qui permet d'être mise en pause quand on le désire (mais le désire-t-on vraiment ?!), motivant et très bien fait et qui, cerise sur le gâteau, tourne très bien sur des configs modestes comme mon ordinateur vieux de 11 ans.

Il est à 25€ sur Steam ce qui le rend plus cher que la plupart de ces autres "petites perles addictives" dont je parle sur ces pages, mais studio de développement indépendant oblige, je les sponsorise avec plaisir.

Ah oui et last but not least : la démo est gratuite, scénarisée et extrêmement bien faite. Je conseille chaudement, et je vous avertis : vous allez plonger d'office ! ;-)


Vue la plus générale (on peut pas mal zoomer et dézoomer dans ce jeu)  de la partie principale de ma base, peu avant le lancement de la fusée. Notez la tentative de "bus" ;)